Temple de Ramsès II
Triade : Amon, Hathor & ___
Creusé dans le roc,
le Grand Temple est précédé de quatre colosses de Ramsès II assis. Il est dédié
à Amon-Rê, dieu principal de l'Egypte, et à Rê-Harakhty. Les colosses de
l'entrée ont 20 m de haut et portent la double couronne (pschent). Une rangée de
cynocéphales couronnent le haut de la façade ; ils saluent le soleil levant dont
les rayons pénètrent parfois jusqu'au coeur du sanctuaire, le temple étant
orienté Ouest-est.
Le pronaos a un plafond haut de 10 m reposant sur des piliers auxquels sont
adossées des statues de Ramsès II dans l'attitude d'Osiris ; il conduit à huit
chambres et au vestibule à quatre piliers du sanctuaire. La longueur du temple
est d'environ 55 m. Les plafonds et les murs sont décorés de reliefs
magnifiques. Voir surtout les scènes représentant la campagne du roi contre les
Hittites (bataille de Kadech) dans la première salle à piliers.
Les huit chambres latérales servaient de magasins, de trésors et de réserves
pour les instruments du culte. Des banquettes sont aménagées le long des murs.
Dans la seconde salle à piliers (11 m x 8 m environ ; quatre piliers), les
reliefs montrent des scènes religieuses : les dieux et les déesses embrassent le
roi ; Ramsès fait brûler de l'encens devant la barque sacrée et rend hommage à
sa propre divinité ; la reine agite des sistres.
Dans le sanctuaire du fond du temple se trouvent quatre grandes statues ; ce
sont celles de Ptah, d'Amon-Rê, de Ramsès II lui-même et de Rê-Horakhty ; le roi
figure ainsi de pair avec trois dieux de premier plan. Les statues sont
disposées de telle manière que toutes, à l'exception de Ptah (qui n'a pas un
caractère solaire), recevaient directement la lumière du soleil lors des
solstices. Mais ce raffinement suprême des architectes, voulu pour des raisons
religieuses, a pris fin avec le déplacement du temple. On remarquera au centre
du sanctuaire un support taillé dans le rocher où était déposée la barque sacrée.
Le temple d'Hathor, non loin du précédent
et plus petit, fut creusé dans la falaise sous Ramsès II. Contre sa façade
(longue de 28 mètres et haute de 12 mètres) on voit six statues du pharaon et de
sa femme ainsi que de leurs enfants en haut-relief. Le pronaos à piliers conduit
par le vestibule au sanctuaire, où l'on voit la vache Hathor protégeant le roi.
Grâce à une campagne internationale de
l'UNESCO, on a recueilli des fonds permettant le découpage, le transport et le
remontage des deux temples (menacés par les eaux du nouveau barrage) sur un
plateau à 180 m de leur site d'origine. Il s'agit d'une réalisation technique
(1963 à 1968) peu ordinaire.
ABU SIMBEL
De tous les sites de la Nubie égyptienne (ou basse Nubie), celui d’Abu Simbel
(déformation d’Ibsamboul qui était son nom au XIXe siècle) est certainement le
plus connu. Son sauvetage spectaculaire, réalisé sous les auspices de l’U.N.E.S.C.O.
lors de la construction du grand barrage d’Assouan (Saad el-Aali), lui a conféré
une notoriété supplémentaire.
1. Le site
À environ 280 km au sud d’Assouan, sur la rive gauche du Nil, Ramsès II, qui fut
un grand bâtisseur en Égypte et en Nubie (Beit el-Wali, Gerf Hussein, Wadi
es-Sebua, El-Derr et Akhsha portent son nom), a choisi un double éperon rocheux
pour tailler dans le grès deux temples consacrés à sa gloire et à celle de l’une
de ses épouses, Nefertari, dont nous connaissons la tombe creusée dans la vallée
des Reines à Thèbes. L’architecture religieuse en Nubie, telle qu’elle fleurit
sous la XIXe dynastie tout particulièrement, a des caractéristiques propres qui,
sans être inconnues en Égypte même, n’y sont que rarement présentes. Les temples
nubiens sont en effet des hémi-spéos, c’est-à-dire des édifices partiellement
creusés dans le roc et partiellement construits (salle hypostyle et avant-cour)
ou, comme dans le cas d’Abu Simbel, de véritables spéos ou hypogées entièrement
taillés dans le rocher.
Le site est mentionné pour la première fois en 1813 par le voyageur suisse
Ludwig Burckhardt, et le grand temple est ouvert en 1817 par l’archéologue et
aventurier italien Belzoni qui a pénétré avec difficulté dans un monument très
largement ensablé. Le site d’Abu Simbel semble avoir été choisi par Ramsès II
lui-même, car on n’y a retrouvé aucune trace d’occupation antérieure. Les
temples ont vraisemblablement été construits vers l’an 30 du règne du pharaon.
2. Le grand temple
Le plus méridional des deux édifices, et aussi le plus grand, a été consacré par
Ramsès II au dieu Rê-Horakhty ainsi qu’à la forme divinisée du roi lui-même, et
porte le simple nom de «Maison de Ramsès aimé d’Amon». Il est orienté vers l’est
de manière telle que, deux fois par an, aux équinoxes, les rayons du soleil
levant, pénétrant dans le temple par l’étroite porte d’entrée, venaient frapper
de face et éclairer les statues au fond du naos.
La porte d’accès au temenos permet de pénétrer dans l’avant-cour, puis sur la
terrasse, tandis que le niveau du sol s’élève graduellement. La façade de grès
rose est large de près de 40 mètres et haute d’une trentaine de mètres. Elle
culmine au-dessus du niveau de la mer de près de 200 mètres, ayant été rehaussée
d’une soixantaine de mètres environ après le déplacement des temples. De part et
d’autre de l’étroite porte d’entrée, quatre gigantesques colosses de Ramsès II
assis, d’une vingtaine de mètres de hauteur et taillés dans le roc, gardent
l’accès de l’édifice. En dépit de leur monumentalité, les colosses sont d’une
exécution parfaite. Le roi, vêtu d’un pagne, mains posées sur les genoux, coiffé
du némès surmonté du pschent (réunion de la couronne rouge de Basse-Égypte et de
la couronne blanche de Haute-Égypte) est flanqué de membres de sa famille: sa
mère, la reine Touy, la grande épouse Nefertari et quelques-uns de ses nombreux
enfants. Sur les colosses sud, on notera la présence de nombreux graffiti dont
un en grec, laissés par des mercenaires de l’armée de Psammétique II, conduite
par les généraux Potasimto et Amasis, qui guerroya en Nubie. Une niche surmonte
la porte, dans laquelle le dieu Rê-Horakhty à tête de faucon et corps d’homme,
tenant le sceptre ouser et accompagné de la déesse Maât, représente, sous forme
de cryptogramme, le prénom du roi: Ousermaâtrê. Au sommet de la façade,
vingt-deux cynocéphales, disposés en frise, adressent une adoration perpétuelle
au soleil levant auquel ils font face.
On pénètre ensuite dans une salle souterraine qui remplace la cour à ciel ouvert
des temples de type classique. Le plafond en est maintenu par deux rangées de
quatre piliers carrés de type osiriaque auxquels sont adossées de part et
d’autre de l’allée centrale les statues d’Osiris momifié à l’effigie de Ramsès
tandis que les trois autres faces sont occupées par les images des dieux majeurs
du panthéon ramesside. Sur les parois de la salle sont gravées des scènes
rituelles, mais aussi des faits de guerre. Ainsi, la paroi nord a été
entièrement consacrée à l’épisode célèbre de la bataille de Kadech qui vit
s’affronter, en l’an 5 du règne de Ramsès II, les Égyptiens aux Hittites et à
leurs alliés de Syro-Palestine. Cette bataille, pour n’être pas décisive, eut
néanmoins des conséquences historiques importantes puisque la paix fut conclue
entre les anciens ennemis, paix qui sera même scellée plus tard par un mariage
entre Ramsès II et une fille du souverain hittite; une stèle à l’extérieur du
temple commémore l’événement. Ce récit de la bataille de Kadech, gravé à la
gloire du souverain, est d’une exceptionnelle richesse de détails et tout à la
fois d’une sûreté et d’une rapidité de trait qui sont les caractéristiques de
l’art ramesside à son apogée. Cette même bataille prendra l’allure d’un poème
épique sous la plume du scribe Pentaour et sera gravée sur les parois de
plusieurs temples, en Égypte même (à Abydos, Karnak, Louxor, au Ramesseum).
L’hypogée est prolongé par une deuxième salle, l’hypostyle, soutenue par quatre
piliers carrés, ornés des représentations du roi et des dieux. Sur les murs, des
scènes rituelles nous montrent le roi, désormais accompagné de la reine
Nefertari, dans l’exercice du culte, en particulier l’adoration de la barque
divine (sur les parois nord et sud). Après avoir traversé un vestibule, on
accède à la dernière salle, le saint des saints. À la différence des temples
construits, elle ne contenait pas de naos destiné à abriter l’image du dieu.
Quatre statues sont taillées à même le roc dans la paroi du fond, elles
représentent Ptah, Amon-Rê, Ramsès II lui-même et Rê-Horakhty: le roi s’est fait
portraiturer à l’égal des trois dieux majeurs de l’empire, adorés dans les
temples de Memphis, Karnak et Héliopolis, et objets de la vénération officielle,
et s’est ainsi divinisé. De cette manière, il était amené – lui ou son substitut
en la personne du prêtre officiant – à se rendre à lui-même un culte de son
vivant. Un pas était franchi dans la conception de la divinité du pharaon, non
pas en tant qu’individu mais comme détenteur d’une charge qui faisait de lui un
dieu et non plus le fils d’un dieu. Au milieu de la salle subsiste le socle qui
supportait jadis la barque divine portative abritant les effigies des dieux.
Pour compléter la description, on mentionnera encore les différentes salles
latérales utilisées comme magasins; une chapelle rupestre au sud du temple qui
servit de reposoir pour la barque et enfin, au nord de la terrasse, une petite
cour à ciel ouvert destinée au culte solaire qui contenait quatre cynocéphales
en adoration, flanqués de deux obélisques, un petit naos protégeant un scarabée
et un cynocéphale, images du dieu Khépri et du dieu Thot; tout ce mobilier est
conservé aujourd’hui au musée du Caire.
3. Le petit temple
À cent cinquante mètres environ au nord du grand temple s’ouvre, vers l’est, le
temple consacré à Hathor , dame d’Ibchek (aujourd’hui Faras) et à la reine
Nefertari. Il est généralement connu sous le nom de petit temple, par opposition
au précédent, et dénommé en égyptien «Nefertari pour qui se lève Rê-(Horakhty)».
Il obéit aux mêmes principes que son voisin puisqu’il est aussi la transposition
rupestre d’un temple bâti à l’air libre. La façade, plus petite, est ornée de
six statues colossales taillées dans les renfoncements ménagés entre sept
contreforts inclinés en talus. Ces colosses atteignent une dizaine de mètres de
hauteur; ceux qui flanquent la porte et ceux des extrémités représentent Ramsès
II, debout cette fois. Ils encadrent les deux statues centrales de la reine,
debout, dans l’attitude de la marche, vêtue et coiffée à l’image de la déesse
Hathor; sa lourde perruque surmontée de cornes de vache enserre le disque
solaire surmonté de deux hautes plumes. Le roi est entouré de ses fils, la reine
de ses filles. L’hypogée est d’une superficie plus réduite et présente un plan
simplifié par rapport à celui du grand temple.
On pénètre d’abord dans une salle hypostyle soutenue par huit piliers carrés
dont les chapiteaux figurent le visage d’Hathor, reproduit quatre fois. Dans ce
temple féminin, les divinités invoquées sont avant tout des déesses: Hathor, la
dame des lieux, Satis, Anoukis, Ourethekaou et Mout. De part et d’autre de la
porte, on retrouve la scène traditionnelle de l’exécution d’un prisonnier par le
roi; mais ici, exceptionnellement, la reine y assiste. Les autres scènes nous
montrent le roi ou la reine accomplissant des offrandes rituelles devant les
déesses.
Une triple porte donne accès à un vestibule plus large que profond, prolongé par
des salles latérales non décorées. Le vestibule est décoré du même genre de
scènes que la salle hypostyle; y figure en outre la déification de la reine par
les deux déesses, Hathor et Isis.
L’hypogée s’achève par le sanctuaire; sur le mur de fond est figurée la vache
Hathor, représentée de face en ronde bosse, sortant du rocher; l’image du roi
est placée devant son poitrail, thème caractéristique des sanctuaires
hathoriques (Deir el-Bahari par exemple). Sur la paroi nord, Ramsès II offre
l’encens devant le roi et la reine divinisés, c’est-à-dire lui-même et son
épouse, tandis que, symétriquement, Nefertari accomplit le même geste devant les
déesses Mout et Hathor.
Les deux temples ont ainsi été construits à la gloire non seulement du dieu
soleil Rê-Horakhty et de la déesse Hathor qui joue le rôle de parèdre, mais
aussi à celle du roi et de la reine qui reçoivent un culte de leur vivant, selon
des principes théologiques qui prennent tout leur développement sous le règne de
Ramsès II.
Les temples d’Abu Simbel, mis en péril par la construction du grand barrage
d’Assouan, furent, avec les autres temples de basse Nubie, l’objet d’une vaste
campagne de sauvetage internationale, dirigée par l’U.N.E.S.C.O. à la demande de
l’Égypte et qui se déroula de 1963 à 1968. Le déplacement des deux temples, qui
présentait des difficultés considérables, fut indubitablement une grande
prouesse technique. Le sommet des collines ayant été arasé, on commença par
renforcer la pierre, trop friable, dans laquelle étaient creusés les temples
avant de les découper en 1 036 blocs, dont certains pesaient jusqu’à 30 tonnes.
Ces blocs ayant été numérotés et stockés, on procéda ensuite à la reconstruction
des monuments, en respectant leur orientation primitive et leur position
respective, quelque 60 mètres plus haut, hors d’atteinte des eaux. Chacun des
temples a été protégé par une superstructure de béton voûtée, dissimulée par les
collines qui ont été reconstituées. On retrouve ainsi aujourd’hui le même
paysage que jadis.