OBÉLISQUE
Tirant son nom d’un mot grec signifiant «broche», l’obélisque est une survivance
du culte préhistorique des pierres dressées (bétyles). Au cours de l’Ancien
Empire égyptien, sous la Ve dynastie (T 2510-T 2460), les temples solaires d’Abousir
présentaient des dispositifs construits en blocs ajustés, se dressant, en
pointe, sur un socle élevé, dans une cour à ciel ouvert; le soleil se levait sur
la pointe d’un tel benben et caressait de ses rayons les offrandes déposées sur
l’autel placé en avant. À Héliopolis même, on a exhumé en 1972 la partie
supérieure d’un obélisque en quartzite jaune au nom de Téti, pharaon de la VIe
dynastie, et l’on sait, d’après l’inscription gravée dans la tombe d’un
gouverneur d’Éléphantine, que deux obélisques en granite provenant des carrières
d’Assouan furent transportés jusqu’à Héliopolis sous le règne de Pépi II. Sous
les Ve et VIe dynasties, de petits obélisques funéraires en calcaire étaient
parfois érigés de part et d’autre de l’entrée des tombes dans les nécropoles de
Saqqara, d’Héliopolis et de Giza. Le plus ancien obélisque de l’Égypte antique,
conservé in situ, se trouve à Héliopolis; monolithe de granite de 20,4 m de
hauteur, il flanquait avec un autre obélisque l’entrée du temple dédié à Rê
Horakhty par Sésostris Ier. Sous le Nouvel Empire, les obélisques se
multiplièrent sur le territoire égyptien; dressées devant les pylônes des
temples où était vénérée une divinité identifiée à une forme du dieu solaire,
ces aiguilles pétrifiées en granite rose d’Assouan dont la pointe (le
pyramidion), recouverte d’or, étincelait au soleil, étaient l’image du lien
entre le monde terrestre et l’univers céleste. Les quatre faces du monument et
le socle étaient gravés d’inscriptions dédicatoires. L’extraction, le transport
jusqu’au Nil, puis le transport par bateau, et l’érection, dans des délais
records, constituaient de véritables prouesses techniques. Un obélisque
inachevé, gisant encore dans les carrières d’Assouan, mesure 42 mètres de
longueur. Le plus haut obélisque encore debout en Égypte est celui de la reine
Hatshepsout, qui se dresse au cœur du temple d’Amon à Karnak; il mesure 30
mètres et pèse environ 320 tonnes . L’obélisque de la place du Latran, à Rome,
haut à l’origine de plus de 33 mètres, avait été conçu exceptionnellement comme
un obélisque unique par Thoutmosis III, dressé dans le temple de l’Est à Karnak,
puis transporté jusqu’à Rome sous Constance II (357). Les obélisques ont, en
effet, connu une grande vogue dans l’Antiquité et suscité les convoitises; ils
étaient par excellence le symbole de l’Égypte. Assurbanipal en avait emporté
deux à Ninive; plusieurs furent transportés à Byzance. Les empereurs romains en
ont fait apporter un grand nombre à Rome, où se comptent aujourd’hui treize
obélisques debout. Remis en honneur par la Renaissance, leur déplacement et leur
érection sur les places de Rome ont été abondamment commentés dans les écrits de
l’époque; on connaît les difficultés techniques qui durent être surmontées pour
ériger l’obélisque placé devant le Vatican en 1586 à la demande du pape Sixte
Quint . Certains obélisques n’ont quitté l’Égypte qu’au siècle dernier, comme
ceux de Londres, New York ou Paris; l’obélisque dressé en 1836 au centre de la
place de la Concorde à Paris provient d’une paire érigée par Ramsès II devant le
pylône du temple de Louxor .